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Les Mortes Pâmoisons
19 mars 2009

Deal

Marjaa aimait beaucoup les dernières fumées que dégageaient les mégots. À chaque fois que celles-ci venaient caresser sa langue, la rouquine aux yeux gris pensait que cela avait un goût de "barbecue de l'enfer".
On vînt déranger Marjaa dans sa plénitude pendant qu'elle pensait aux vapeurs grises des fumeurs, assise sur une pile de journaux trop jaunis et racornis pour être récents. C'était Séraphine, la fille du boucher, qui s'approchait en dandinent. De loin, sa démarche rappelait l'oscillation répétitive du métronome. Malheureusement, Séraphine n'avait rien en commun avec une aiguille. De près, il ne fallait pas qu'elle soit trop.
- Alors ! dit-elle d'une voix très aiguë et en mâchant de ses petites dents pointues.
Marjaa, toujours assise, leva les yeux vers elle. Séraphine portait une robe usée de couleur bleue criard à fleurs, de laquelle sortaient impudiquement de rondes et roses protubérances, dodues comme leur propriétaire.
- Quoi ? répondit la maigre et frêle Marjaa.
- J'en ai des tas d'autres sous mon lit... dit Séraphine
Le gros pou gras sortît d'un sac plastique qu'elle portait une poignée de bonbons à la violette. Marjaa les lui arracha des mains et couru en faisant de grands pas de géante. Ses longs cheveux de souffre lui fouettaient doucement le visage. Il faisait chaud et le vent frais que produisait la vitesse chatouillait ses joues creuses et ses bras menus. Marjaa serrait les dents pour continuer sa course. Après quelques minutes, elle s'assît au coin d'une vieille boutique et engloutit les bonbons un à un, en pensant à Séraphine. Elle se mit à rire. Elle rit fort, d'une manière grinçante mais claire, à faire craquer les murs et chanter les muets. Des milliers de cris de chorale acquiescèrent tous ensemble dans la tête de Marjaa qui eût l'impression qu'on lui avait arraché un cheveu. Elle se retourna vivement mais ni les arbres, ni les ruelles et ni les pavés n'avaient volé un cheveu à Marjaa. Appeurée, elle jeta ses bras sur sa tête pour se protéger. Mais quelqu'un lui pinça les chevilles. Marjaa hurla au vent, au ciel et par toutes les pores de sa peau. Des fusées et des pétarades entières sortaient de ces petits trous pour atterir dans les pupilles de Marjaa, statique et aérienne. On lui crachait du bleu, du jaune et du rouge au visage, lui mangeait la peau et la chevelure. On lui mettait des claques et des soufflets dans son fragile visage de porcelaine.
On retrouva Marjaa à terre, brisée en milles petits morceaux.

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